Au moment où la société semble s’enliser dans un ultra féminisme castrateur, lobotomisant une génération entière et la privant de tout instinct, une lueur d’espoir illumine la nouvelle génération.
Pourquoi une lueur d’espoir ? Parce que la plus belle chose qui unit les hommes et les femmes c’est l’amour et qu’on en manque. Il est essentiel, il est beau, il est pur et porteur de vie. Sans amour, la vie s’éteint. Comprendre que la nouvelle génération se moque des préoccupations sectaires de leurs prédécesseurs et réapprivoise l’amour avec honneur est plutôt une bonne nouvelle.
Mais avant tout, une petite rétrospective s’impose.
Petit état des lieux sur la condition amoureuse
Loin de moi l’idée de réaliser une analyse complète et sérieuse du sujet : Je ne suis ni psychologue ni sociologue, mais il n’est pas obligatoire d’être bardé de diplômes pour se poser des questions et trouver des réponses. Je m’en réfère au bon sens, celui qui abandonne trop souvent les plus pointus des théoriciens.
Au moment où ma grande fille, une 2003, génération Z, se plaint d’avoir été sacrifiée par les générations précédentes, les bébé-boumeurs en tête, je me pose une foule de questions sur ces accusations. Cette génération, plus que n’importe quelle autre a été éduquée par les réseaux sociaux qui les ont cueillis dès l’adolescence. Je me suis aperçue un peu tard du formatage forcé, à mille lieues de la réalité, et m’en suis voulu d’être tombée dans le piège, d’y avoir sacrifié l’adolescence de ma fille. Je la suivais de près et de loin, nous discutions, les débats étaient ouverts, mais le bourrage de crâne a, malgré tout, réalisé son œuvre.
Moi, sa vieille, cette bébé-boumeuse égoïste, j’avais une opinion toute faite sur cette nouvelle génération montante, celle des bons à rien. Il a fallu de multiples échanges, et de nombreuses remises de l’église au milieu du village (clin d’oeil rapide au manifeste d’Une Autre Voix) pour qu’elle ouvre enfin les yeux.
Nous avons cherché à comprendre cette classification et trié le vrai du faux. Je suis de 1972, pas vraiment une bébé-boumeuse et si une génération à bien morflé de ces natus post bellum, c’est plutôt la mienne, celle des X. D’ailleurs, on en paye plein pot avec ces Trump, Poutine et Netanyahu, les premiers à n’avoir tiré aucune leçon du cas Hitler, même pas la harangue, parce que lui, au moins, savait rassembler les foules.
Et puis, je lui ai fait part de ma profonde vexation, moi qui idolâtre la diversité, la variété de l’humanité et l’unicité des individus, je suis parfaitement incapable d’englober l’ensemble des jeunes, dont les miens, dans une case « bons à rien ».

Non, mais, as-tu bien regardé ta mère ? Il est hors de question que tu me catalogues avec tous ces autres. Je suis inclassable ! D’accord ? Et je ne serai jamais tous ces autres.
C’était donc ça ! Ma progéniture manquait cruellement d’étude du milieu dans lequel elle était censée vivre. Elle manquait de nuances. Après quelques années d’introspection, de remise en question et de visite chez une merveilleuse psychologue, aujourd’hui elle va beaucoup mieux et reprend le sens de la vie. Elle envisage enfin la toile comme un ramassis hétéroclite dont il faut se méfier et dans lequel il faut faire le tri.
Elle qui avait balayé les hommes, la viande, la fête, le plaisir, l’amour, la vie tout simplement, de son existence, elle se rend enfin compte de l’erreur. Elle s’est mise à observer ses pairs, ceux qui peuplent son environnement naturel, et peut enfin constater qu’ils ne correspondent en rien – ou presque – à tout ce qu’on raconte sur les réseaux sociaux.
Hallelujah ! Je l’ai toujours dit, la vraie vie se passe dehors, dès qu’on ouvre la porte d’entrée, et jamais derrière un écran.
Si ma fille est sauve, cela n’empêche qu’une génération entière, clairement sacrifiée, se prive de vivre et d’aimer. Elle génère les profils les plus extrêmes, entre woke et anti-woke, féministe et antiféministe, les émasculeurs, les canceleurs, les platistes et les globe believers. J’avoue, je n’en peux plus de ces querelles à deux balles, qui dans le bon fond ne concernent plus personne : de purs débats autour du vide pour des followers et des likes fictifs. À croire que l’humanité s’ennuie au paroxysme pour s’inventer de telles causes. S’il y a bien un éveil, ce doit être à la connerie. Désolée du mot.
Mais heureusement, 2010 accuse un tournant, déversant une nouvelle génération, les (alpha) α :
Moi qui croyais que l’amour se mourrait, j’avais tort. C’est avec un pur bonheur que je contemple ma petite dernière, une 2011, renouer avec ses pairs. S’il existe 8 ans et demi d’écart entre mes filles, ce sont deux mondes complètement différents qui se prêtent à mes observations et attisent ma curiosité.
Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, il me plait d’étudier encore quelques souffreteux, ceux dont l’envie d’amour titille sans jamais l’oser. Si parfois l’humanité parait désœuvrée, elle ne manque pourtant pas de ressources quand il s’agit de contourner un problème.
Faciliter la relation amoureuse, voici comment l’homme se réinvente
Entre tabous et convenances, les hésitations à se lancer ne sont pas nouvelles et plusieurs mouvements sont apparus au fil des époques afin de faciliter la tâche des amoureux.
Le bal des débutantes
L’une des coutumes les plus marquantes est sans doute celle du Bal des débutantes. La série Bridgeton, qui la relate non sans à propos, n’a pas fini de nous émouvoir. Quoi de mieux qu’un bal pour inviter les célibataires à danser ? Il fallait y dénicher un beau parti pour espérer une vie respectable ou une belle épouse, bien née, afin d’assurer une descendance solide et tenir la maison.

Le Bal apparait donc à la cour anglaise au 18e siècle, celle de George III et de la Reine Charlotte. Le but est de présenter les jeunes filles issues de famille noble et en âge de se marier aux toujours célibataires, mais bien nantis. La saison démarre avec le printemps et son festival de codes à respecter, queue de pie et cravate blanche pour les candidats et longue robe blanche assortie de gants remontants pour les futures élues. Le blanc sied à la pureté et à la disponibilité. C’était l’occasion d’unir les grandes familles et d’élargir leur pouvoir, mais aussi de récolter des fonds à l’attention d’œuvres caritatives. C’est ainsi que la maternité Queen’s Charlotte à Londres a vu le jour.
C’est évidemment plus simple de s’engager dans un cadre où on y est invité et parmi un large éventail de possibilités. La tradition se répand comme la poudre à travers les cours d’Europe et trouve même un écho auprès des classes populaires. Le Bal devient un jeu codé dont l’amour est l’atout, une façon de faire connaitre ses intentions sans réprimandes.
Aujourd’hui, le Bal perpétue les traditions, mais pas toujours celles de Cupidon. Que ce soit celui de Vienne, celui de Waldorf Astoria à New York – The International Debutante Ball – ou encore celui d’Ophélie Renouard relancé à Paris en 1992 avec une envergure mondiale, le Bal ne s’est toujours pas évanoui. Ces derniers s’apparentent davantage à des évènements caritatifs et mondains où nous avons perdu l’amour. Les prémices de la toile se dessinaient, le monde a éclaté depuis.
(Marion Gary-Ramounot écrivait dans Le Figaro Madame en novembre 2018 : Ophélie Renouard permet à vingt jeunes filles de faire leur entrée dans le monde. « Leur entrée dans le monde de la couture et des médias », avait corrigé l’intéressée. « À l’ère de Facebook, on entre plus dans le monde, le monde a éclaté »)

Le langage de l’éventail
Si au bal des débutantes, les fleurs offraient leur langage aux moins audacieux (la rose rouge pour l’amour passionné, le camélia blanc pour l’admiration, la lavande pour le doute et la méfiance, la pensée pour la pensée incessante, l’anthémis pour la rupture, l’asphodèle pour le regret du passé), d’autres cultures ont inventé des codes exquis. En Espagne, au 19e siècle, l’éventail déborde de son rôle primitif avec sensualité.
- Ouvrir l’éventail délicatement : « Je suis mariée », pas de chance pour le quémandeur, mais au moins, il était prévenu ;
- Le tenir à deux mains : « Je suis célibataire » ;
- Le tenir fermé, pointé vers le cœur : « Je vous aime », subtil, mais direct ;
- Le faire tomber : « Je veux être à vous ». En Angleterre ou en France, c’est le mouchoir qui tombait, avec la même signification. Il suffisait alors de le ramasser ou non afin de donner sa réponse ;
- Le tenir ouvert devant les yeux : « Vous me surveillez ? » ;
- Le poser sur sa joue droite : « oui » ;
- Le poser sur sa joue gauche : « non » ;
Un objet magnifique et quelques gestes gracieux permettaient une entrée en matière autorisée et respectueuse des libertés de chacun. À l’époque, on évitait les gifles et on ne qualifiait pas les oublieuses de mouchoirs de salopes. L’amour était encouragé et rendu accessible aux plus farouches.
Comment contourner les carences de l’amour aujourd’hui
Notre époque est en manque d’amour. Elle s’interdit les échanges les plus naturels et fondamentaux qui soient par trop de raison ou par aveuglement. Les exceptions façonnent les croyances : tous les hommes sont des violeurs, des profiteurs et des pervers dont les femmes doivent se tenir à l’écart. Toutes les femmes sont faibles, des victimes nées, et doivent être protégées. Ce qui a fait le malheur d’une poignée devient le malheur de tous.
Assurer la sauvegarde de la croissance démographique devient un casse-tête à l’époque où le couple et la famille n’ont plus la cote. L’évolution de la courbe des natalités est elle-même remise en cause. L’humanité ne peut plus croitre sous peine d’autodestruction. Notre futur s’annonce sombre, dans l’oppression et la misère, alors pour quoi se multiplier encore ?
Malgré cette ambiance morose, quelques groupes s’offrent un nouvel éveil (notre société n’arrête plus de se réveiller) et dépassent l’angoisse généralisée : L’Homme doit se réapprivoiser, réapprendre à aimer. Pour ce faire, il s’invente une nouvelle mode, de nouveaux codes. C’est ainsi qu’on voit poindre des tendances inédites, des tentatives à renouer avec l’essence même de la vie.
L’homme n’est plus capable d’aimer naturellement. Il a refoulé son instinct au plus loin des possibles par obligation de bienséance. Il est important de l’aider et l’encourager à sortir de l’impasse. Les sites de rencontre foisonnent et se déclinent en de multiples variantes.
Entre les sites généralistes comme Tinder, ouverts à tous, et les applications ciblées vers certains groupes de population (orientation sexuelle, tranche d’âge …), le choix est vaste. Quand EliteRencontre et DisonsDemain proposent des rencontres sérieuses et durables, Gleeden ou Pure s’oriente plutôt libertinage.
Au Japon où la relation homme-femme se tente de moins en moins, les jeunes gens initient les gōkon (合コン), des rencontres entre deux groupes de personnes, des hommes et des femmes qui invitent les célibataires disponibles.
En Europe, les croisières dédiées ont la côte.
Pour que la pilule passe mieux auprès des cas les plus désespérés, la société se réinvente et organise des jeux matrimoniaux. Les omiai (お見合い), des mariages arrangés japonais aux télé-réalités occidentales, il n’y a même plus un pas. « Mariés au premier regard », « l’amour est dans le pré », ou « l’ile de la tentation » sont autant d’alternatives pour fabriquer les couples d’aujourd’hui.

La génération α, quand le naturel revient au galop
Dans ce climat de terreur dégénéré par un social virtuel absurde, totalement dénué de relations humaines simples et naturelles, la nouvelle génération tire pourtant son épingle du jeu. Elle profite de l’exemple de ces dernières décennies comme celui à ne pas suivre et elle se réinvente. Hors de question de sombrer dans la déprime générale, l’amour procure de l’émoi, redonne vie et sens à la vie. Il est temps d’en refondre les bases et de faire tomber les barrières.
Intriguée par ces discussions pétillantes qui inondent ma demeure, émoustillée par cette masse de jeunes filles et de jeunes gens qui gazouillent, volètent, je questionne ma plus jeune. Je m’étonne de ne rien retrouver des craintes, des peurs, des angoisses de ses ainés, deux grands de la génération Z.
Et ce n’est pas mal vu ?
Quoi donc ?
De faire savoir qu’on en pince pour un garçon !
Bien sûr que non, nous avons tous le droit d’être en crush.
En crush ? Il va falloir que tu m’expliques.
Et je me suis régalée.
Voici un code strict pour un processus fondamental. Si nos jeunes n’inventent rien, ils ont au moins le mérite de remettre les relations humaines au centre de leurs préoccupations. Dans ce tourbillon de mots à l’anglaise, je m’y perdais un peu. Ma fille m’a apporté ses lumières, car il ne s’agit plus de tomber simplement amoureux, quelques étapes sont obligatoires avant le Graal.
- Être le flash de quelqu’un : tout d’abord, il s’agit de flasher sur quelqu’un, fille ou garçon, peu importe. Les discussions dans cette phase de repérage sont des plus croustillantes et les avis se partagent avec les potes dans la cour de récré et en petit comité sur les groupes privés des réseaux sociaux. Hors de question de parler de cela en public.
- Le stalk : Ensuite vient le moment de stalker. Il s’agit de traquer sa cible, investiguer afin de s’assurer de sa bonne réputation. Hors de question de s’afficher avec les loosers. Il importe également de s’assurer de la disponibilité de la personne. Il est aussi hors de question de filer quelqu’un de déjà pris.
- La DM : Si l’élu coche toutes les cases, il est temps de faire sa demande en ami, sur les réseaux sociaux. C’est la façon d’entrer en contact direct pour la première fois. Hors de question de s’exposer inutilement et en vrai.
- Le flirt : C’est l’occasion d’échanger, d’évaluer les possibles affinités et de confirmer si ce quelqu’un nous plait vraiment.
Clairement, ils n’ont rien inventé même si ce flirt est purement virtuel, et je m’en amuse. Le flirt quoi, ce mot qui était démodé lorsque j’avais 14 ans.
- Le bail ou le crush : Une fois qu’on tombe d’accord sur les intentions de chacun, qu’on se plait mutuellement, on est enfin d’accord de s’afficher ensemble. On peut annoncer officiellement qu’on est en crush, même si on se croise toujours dans la cour de récré sans se parler.
- La date : L’heure de la première rencontre en chair et en os et en tête à tête a enfin sonné, il est temps de fixer une date (prononcé à l’anglaise). Il s’agit d’aller boire un thé, d’aller au ciné ou d’assister au match de foot ou à la compétition de sauts d’obstacle de son élu. Hors de question que la date se passe en toute intimité. Un lieu public assure une forme de sécurité.
- Le couple : Si le premier rendez-vous se passe bien, ça y est, on y est enfin même si on ne s’est toujours pas embrassé, ou à peine, en tout cas pas avec la langue.
Et les garçons ne sont pas méchants ?
Méchants ? N’importe quoi ! Ils sont gentils, au contraire. Ils demandent et si c’est non, ils respectent.
Tous ?
Presque tous, mais celui qui exagère, on le dégage.
« Tiens, Noa, le BG (beau gosse) là, c’est ton crush ? »
« Non, tu rigoles, c’est juste mon stalk. J’aime pas trop sa façon de parler, mais il est bien sapé. »
« Fais gaffe, il est parfois relou, j’ai dû le janter (le laisser tomber) le mois dernier. J’avais une date, mais ça s’est mal passé, il avait trop la dalle (il était un peu trop entreprenant). »