Mesdames, Messieurs, et tous les autres que je ne saurais nommer de peur d’en oublier dans l’inventaire sans cesse croissant des genres à la mode… Je dois vous avouer mon trouble. Il semblerait que je sois devenu un dinosaure sans m’en apercevoir, un vestige d’une époque révolue où l’on avait la faiblesse de croire qu’il n’existait que deux genres.
Genre fluide, une liberté ou un casse-tête quotidien ?
Quelle erreur ! Aujourd’hui, on peut changer de genre comme de chemise. Le lundi on se sent homme, le mardi femme, et le mercredi… eh bien disons que le mercredi, on improvise selon l’humeur du moment. C’est ce qu’on appelle être « gender fluid », ce qui ne veut pas dire qu’on a un problème de plomberie, mais plutôt qu’on navigue entre les genres avec l’aisance d’un poisson dans l’eau.

Les plus progressistes me diront que je suis d’un ringard consternant avec ma vision binaire du monde. Soit. Je plaide coupable d’être né à une époque où l’on ne se posait pas la question existentielle du pronom à utiliser avant d’adresser la parole à quelqu’un. J’avoue même avoir la faiblesse de penser qu’il est plus simple de naître avec un genre défini que de devoir consulter son agenda chaque matin pour savoir qui l’on est.
Mais que voulez-vous, je suis de cette génération obsolète qui considérait que la seule fluidité acceptable était celle du bon vin. Une génération qui pensait naïvement que porter une cravate ne faisait pas de vous un oppresseur du patriarcat, et qu’arborer une jupe n’était pas nécessairement un acte politique.
La fluidité, prison dorée ou liberté absolue ?
Le plus cocasse dans cette affaire est que nos nouveaux prophètes de la fluidité des genres passent leur temps à vouloir déconstruire les stéréotypes, tout en créant de nouvelles cases toujours plus étroites. On ne dit plus « Je suis un homme qui aime porter des robes », mais « Je suis un genre non-binaire à tendance feminine-presenting les jours pairs ». N’est-ce pas là une façon bien compliquée de dire qu’on s’habille comme on veut ?

Je me demande parfois ce qu’en penseraient nos ancêtres. Eux qui portaient perruques poudrées et talons hauts à la cour de Versailles sans pour autant remettre en question leur masculinité. Louis XIV lui-même dansait en collants sans que personne n’y trouve à redire. Il est vrai qu’à l’époque, on avait d’autres chats à fouetter que de compter les genres sur ses doigts.
En attendant, je continue à m’égarer dans ce nouveau vocabulaire où il est plus facile de se perdre que dans un labyrinthe. Je fais de mon mieux pour suivre, vraiment. Mais j’avoue avoir parfois la nostalgie du temps où l’on pouvait dire « Bonjour Madame » sans risquer un procès en discrimination genrée.
Après tout, peut-être suis-je moi aussi « gender fluid » sans le savoir ? Les jours où je mets mes chaussons framboise tout en regardant un match de rugby, suis-je en train d’expérimenter une nouvelle identité ? À moins que ce ne soit simplement parce que ce sont les seuls chaussons que j’ai trouvés en solde…
Pardonnez ma confusion, mais il faut me comprendre : j’appartiens à cette espèce en voie d’extinction qui pense encore que l’important n’est pas tant ce que l’on est, mais ce que l’on fait. Une espèce dépassée qui croit naïvement que la vraie liberté n’est pas de changer de genre comme de smartphone, mais d’être simplement soi-même, avec ou sans étiquette.
Mais que voulez-vous, je suis peut-être trop « fluide » dans ma tête pour comprendre toutes ces rigidités modernes…
[Ou peut-être assistons-nous à une transformation plus vaste, où les anciens repères du masculin et du féminin s’effacent sous l’effet d’une redéfinition sociétale plus large. Une évolution qui, à force de vouloir tout déconstruire, en vient parfois à tout confondre. Et si cette fluidité généralisée n’était qu’une autre facette du grand malaise identitaire de notre époque ? Après tout, il faut battre l’homme tant qu’il est encore chaud…]
???? Il faut battre l’homme tant qu’il est encore chaud – Une analyse de Lena Rey sur l’évolution du masculin à l’ère contemporaine. Et si, dans les années 2020, la castration n’était pas chimique mais sociétale ?