Le 26 juillet aura lieu l’ouverture des jeux de la XXXIIIe Olympiade, à Paris. 11000 « éclaireurs » auront eu l’honneur et le privilège de porter la Flamme Olympique, d’allumer les chaudrons, d’allumer le feu… mais qu’en est-il de l’étincelle de joie et de fierté dans le cœur des Français ?
Cocorico ! Les JO arrivent en France ! Pour célébrer le sport, certes, avec, selon le site officiel, 10 500 athlètes attendus, dont exactement 50% seront des hommes et 50% des femmes. L’histoire ne dit pas où, dans cette statistique ô combien égalitaire et bien peu statistique, se situeront les athlètes trans. Ni même s’il y en aura, le Comité International Olympique (CIO) ayant botté en touche, renonçant à établir des directives uniformes concernant la participation des sportifs intersexes et transgenres, et laissant cette responsabilité aux fédérations internationales. Rien n’est dit, tout est possible.
Célébrons la France !
Pour célébrer les territoires, en incarnant l’excellence à la française dans tous les secteurs d’activité, partout en France. La gastronomie, l’élégance, la culture, l’esprit français -ou ce qu’il en reste tant il est émasculé par MeToo-, et la langue de Molière.
Pour célébrer, enfin et surtout, le collectif, l’inclusif, la diversité, pour une société solidaire, durable et juste. Je dis enfin et surtout parce que le site officiel des Jeux insiste : les porteurs de la flamme représenteront la grande diversité de la société.
Ainsi, après son arrivée à bord du Belém, la flamme a été logiquement prise en main par le nageur Florent Manaudou, multi médaillé olympique à Londres, Rio et Tokyo. Elle a ensuite été remise à la championne paralympique d’athlétisme Nantenin Keita. Et puis, là où l’on attendait Zinedine Zidane, l’enfant de Marseille qui valut à la France sa victoire en Coupe du Monde… Jul. Pour allumer la flamme des sportifs, pour embraser le premier chaudron olympique, Jul. Un rappeur français originaire de la cité phocéenne, choisi semble-t-il pour son rayonnement dans le monde du slam et sa proximité avec les jeunes marseillais. SIC.

Des propos déconcertants
« Le J, c’est le S* », poste le premier ministre Gabriel Attal sur X pour célébrer l’évènement. Là je me dis qu’on ne doit pas partager le même alphabet. De recherches en décryptage – je parle plusieurs langues mais apparemment pas celle-là-, je trouve, en effet, « Le J c’est le S », caché dans le titre « Bande organisée ». Dont voici un extrait :
« …nique leurs mères ceux qui parlent mal d’la team
En bande organisée, personne peut nous canaliser
Dans la zone, ça fume la fusée, pisté par les banalisées
Hasta luego, fais-en un, hasta luego, fais-en deux
Hasta luego, ouh, ouh, hasta luego, bam, bam
C’est du 24 carats (nan), j’rappe depuis l’époque de Cara
La technique, le flow de malade, artistiquement, on se balade (ok)
T-Max, casque Araï, recherché à kech-Marra
J’lui envoie une frappe imparable, j’fais couler son mascara (ah, ah)
Le J, c’est le S (ok), hum, j’sors le RS (vroum, vroum)
Une liasse épaisse, arlabelek’, N.A.P.S (ah, ah)
Le, le J, c’est le S (ok), hum, j’sors le RS (vroum, vroum) »
Dans ce titre à la poésie indubitable, et qui mérite vraiment d’être entendu dans son intégralité, il est question de viol, de drogue, de violence, de féminicide, de nécrophilie, de vol, de délit de fuite, de trafic, de carnage… en toute impunité, tant on est bien protégé en bande organisée. Hein ? Une autre daube du même acabit sera servie ce soir-là à l’ombre du chaudron olympique, dont je vous épargne la prose. Voilà pour représenter la France aux yeux -et surtout aux oreilles du monde. Sous le regard naïvement approbateur (ou résolument provocateur ?) du chef de l’État et de ses conseillers.

Pire : voilà le message que nos gouvernants envoient aux « jeunes », dont ils cherchent l’approbation plutôt que de les élever. A l’heure où l’on n’arrive plus à contenir la violence, est-ce bien raisonnable de mettre sur un piédestal mondial un homme qui clame, je cite : « nique ta mère sur la Canebière, nique tes morts sur le Vieux-Port » ? Franchement ? Et même pas en français dans le texte, d’ailleurs qu’est-ce qu’on en a à faire du français ? Il va sans dire que le casier de l’artiste n’est pas exactement vierge. Célébrité rimerait-elle avec illégalité ?
Et c’est ainsi que la France est grande.
Et ce n’est pas fini !

Pour porter haut la flamme tout en satisfaisant aux impératifs de l’inclusion et de la diversité, deux Drag Queens échappées tout droit d’une production d’Alfredo Arias (à moins que ce ne soit de Krzysztof Warlikowski), ont été sollicitées. Miss Martini et Minima Gesté. Voilà pour incarner aux yeux du monde l’élégance à la française et le mythe de la Parisienne.
Et c’est ainsi que la France est grande.
Le 26 juillet au soir, quand tous les Français devraient frissonner de fierté devant leur écran, voire sur les berges de la Seine, en regardant la cérémonie d’ouverture des fameux JO… quand chacun devrait s’émouvoir de la voix de la nation s’élevant au-dessus d’une rivière assainie afin que les surmulots puissent se désaltérer dans le courant de l’onde pure… quelle sera cette voix ? Celle d’Aya Nakamura. Aya Nakamura, célèbre pour son tube Djadja, au parler bien de chez nous comme il se doit :
« Oh, Djadja
Y a pas moyen, Djadja
J’suis pas ta catin, Djadja, genre, en catchana baby, tu dead ça. »
Genre en catchana baby tu dead ça ?
Et c’est ainsi que la France est grande.

Pendant ce temps, ceux qui seront venus du monde entier pour le sport, certes, mais aussi, on ose l’imaginer, pour ce qui fait le charme et la spécificité de notre beau pays (l’élégance donc, la gastronomie, la culture…), pourront se régaler de saucisses végétales et de fallafels de betterave arrosés d’une cannette du sponsor Coca Cola.
Grandeur consécutive de la France
Moi, les bras m’en tombent. Quand un pays accueille les Jeux Olympiques, il déploie tous ses efforts pour faire rayonner sa culture, son histoire et son identité. Pour Paris 2024, on dirait que c’est tout le contraire. On ne montre pas la France telle qu’elle est, mais telle qu’elle est en train de devenir. Et pour ne pas en pleurer, on fait semblant de s’en réjouir.
Et c’est ainsi que la France est grande.
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* « Le J c’est le S ». Cette phrase, fréquemment utilisée par les jeunes, signifie « Jules c’est la famille ». En effet, le « J» est l’initiale de Jul. Le S, lui, est utilisé pour parler du « sang », un grand classique utilisé chez les jeunes signifiant que deux personnes sont de « la même veine », ou encore « de la même famille ».
L’expression est apparue pour la première fois dans le titre Bande organisée, une chanson de rap de l’album collectif 13’Organisé, interprété par plusieurs rappeurs originaires de Marseille, dont… Jul.