La Grande Purification : Comment assassiner un livre en toute bienveillance ?

Quand la bienveillance transforme la littérature : explorez l’absurdité d’une réécriture aseptisée qui dénature les classiques et vide les récits de leur âme.

AVERTISSEMENT : Cette chronique contient des mots, des phrases et potentiellement du sens. Les personnes sensibles à la signification sont priées de consulter leur thérapeute en lecture traumatique avant de poursuivre.


Bienvenue dans l’ère glorieuse de la littérature aseptisée, où chaque livre doit désormais passer sous les fourches caudines des sensitivity readers, ces nouveaux ayatollahs du bien-penser qui transforment la littérature mondiale en un long tract de la CAF.

Une personne en combinaison désinfecte un intérieur

Finies les descriptions physiques ! Désormais, un personnage ne peut être que « présent dans l’espace d’une manière non-définie ». Le nez de Cyrano ? Une « excroissance faciale non-normative socialement challengée ». Quasimodo ? Un « individu en situation de différence architecturale ».

La littérature sous le scalpel du politiquement correct

Les contes de fées sont les premiers à passer à la moulinette de la bien-pensance. Cendrillon devient un « individu en situation de précarité domestique temporaire utilisant des moyens de transport alternatifs à propulsion végétale ». La Belle au Bois Dormant ? Cancelled ! Comment ose-t-on suggérer qu’une femme a besoin d’un homme pour se réveiller ? Elle pratique désormais la « méditation prolongée auto-consentie » avant de se réveiller d’elle-même pour devenir CEO d’une start-up en développement durable. Les Trois Petits Cochons ? Un pamphlet spéciste inacceptable ! La version corrigée raconte l’histoire de « Trois entrepreneurs en habitat alternatif confrontés à un prédateur en questionnement éthique sur son régime alimentaire ».

Et bien entendu, le « Il était une fois » est banni pour discrimination temporelle envers les autres moments de la journée.

Même les expressions les plus banales doivent être réécrites. « Avoir du pain sur la planche » devient « faire face à une situation de charge mentale non-consentie sur un support en matériau végétal transformé ». « Mettre les pieds dans le plat » ? « Interaction non-conventionnelle avec un récipient alimentaire ».

Une langue stérilisée jusqu’à l’absurde

Un chat tire la langue

Le summum est atteint avec les classiques. « Le Rouge et le Noir » de Stendhal devient « Étude chromatique binaire potentiellement anxiogène ». « Les Misérables » ? « Personnes en situation de précarité socio-économique structurelle dans un contexte post-monarchique ».

Shakespeare lui-même n’est pas épargné. « Être ou ne pas être » est jugé discriminant envers les personnes en questionnement existentiel. La tirade devient : « S’engager ou pas dans un processus d’actualisation de sa présence spatio-temporelle, telle est la problématique non-binaire qui se présente à notre conscience collective ».

Certains éditeurs (pas nous !) proposent maintenant des versions trigger-free où chaque scène potentiellement dérangeante est remplacée par la description d’un champ de lavande en agriculture biologique. Le meurtre de César ? Trois pages sur les abeilles butinant paisiblement. La mort de Madame Bovary ? Un long passage sur les bienfaits du yoga.

Les nouveaux manuels pour auteurs recommandent d’ailleurs de remplacer tous les antagonistes par des « personnes temporairement en désalignement avec leur meilleur potentiel ». Les méchants n’existent plus, ils sont juste « en cours de développement personnel ».

Ma grand-mère périgourdine, qui lisait « Les Fleurs du Mal » sans se transformer en serial killer, loin s’en faut, doit se retourner dans son « espace de repos post-vital non-discriminant ». La pauvre !

Je propose donc une nouvelle collection : « Les Classiques En Situation de Réécriture Bienveillante ». Au programme :

  • « Personne Âgée en Situation Maritime Prolongée » (anciennement Le Vieil homme et la mer)
  • « Diagnostic Comportemental en Milieu Méditerranéen » (L’Étranger)
  • « Processus Digestif Non-Conventionnel » (Le Grand Meaulnes)

Alors… ça vous tente (homophobie dysorthographique) ?

Si cette tendance à aseptiser la littérature vous intrigue, plongez également dans notre réflexion sur l’attrait irrésistible des antihéros imparfaits, ces figures complexes qui défient les standards héroïques et captivent par leurs imperfections.

Note : Cette chronique a été validée par un comité d’experts en écriture trauma-informed. Trois points d’exclamation se sont suicidés pendant sa rédaction, mais ils bénéficiaient d’une couverture sociale adaptée.

PS : Si vous vous êtes sentis offensés par ce texte, un groupe de soutien pour lecteurs traumatisés se réunit tous les mardis dans un safe space en matériaux recyclés. Thérapie par les cristaux et câlins aux arbres inclus.

PPS : Le mot « fin » a été banni car il discrimine le concept d’infini. Nous préférons dire que ce texte est « en situation de pause narrative non-définitive ».

Image de Valérie Gans

Valérie Gans

Écrivaine prolifique, Valérie Gans a publié une vingtaine de romans qui explorent les dynamiques contemporaines de la famille et des relations entre les sexes, capturant l’air du temps avec un regard tantôt critique, tantôt empathique. Son œuvre montre une vie dédiée à l’expression libre et à l’exploration des complexités humaines à travers les mots.
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