Histoire vécue en 2024 : Auteur cherche éditeur

Je prépare mon courriel, simple, court et direct, l’accompagne du manuscrit en PDF et le confie à Valérie Gans. À ce jour, je suis la plus heureuse qui soit.

J’ai toujours aimé écrire et je l’ai longtemps pratiqué pour moi seule. Beaucoup de poèmes, des lettres jamais postées, des pamphlets, des satires, des idées en vrac pour dénoncer, des coups de gueule et des coups de cœur, je n’ai pourtant jamais tenu un journal, car trop rigoureux. Je n’ai jamais proposé ces textes à la lecture, je n’ai jamais pensé à me répandre. Je jugeais mes écrits impropres à l’intérêt général. Parfois et afin de me débarrasser définitivement de certains maux, je brûlais les lignes douloureuses.

Écrire, c’était sortir les excès hors de moi et pour m’en débarrasser durablement, le bûcher était un symbole efficace. Seule l’écriture me nourrissait et me suffisait, elle me satisfaisait pour équilibrer les émotions du moment. Je n’avais besoin de rien de plus, je n’avais pas d’autres envies.

Un parcours long et sinueux qui demande patience, persévérance et obstination 

Et puis, il y a eu cette tornade, un ouragan, un cyclone. Jusque-là, je m’étais toujours considérée comme incapable d’écrire un roman, de m’atteler à cette tâche que je savais de longue haleine. Recomposer le monde, proposer des solutions évidentes à l’humanité en déroute, imaginer d’autres possibles, décortiquer les mécanismes qui nous avaient échoués là par mégarde, était autant d’envies qui se bousculaient dans mes pensées, revenant sans cesse, inlassablement. 

La tempête, dans sa folie destructrice, a bousculé les barrières et ouvert des portes. L’une d’elles m’a aspirée et je suis entrée. Un besoin grandissant, indomptable, s’est emparé de moi. Inutile de résister, je ne pouvais plus me raisonner. Je devais écrire les chapitres de ma vie qui me faisaient mal, qui me tétanisaient, qui m’empêchaient d’avancer, qui me tenaient prisonnière. Je devais prendre du recul, voir ces évènements sous un nouvel angle et j’ai tout écrit.

Un bateau en amont d'une tempête

Lorsque se proposer au monde de l’édition est la carotte

Je savais que pour arriver à mes fins, je devais en esquisser l’aboutissement, chose que je n’avais encore jamais faite. Je devais trouver une carotte : proposer mon manuscrit aux maisons d’édition. J’avais à peine entamé l’écriture des premiers chapitres, tête baissée, que je surfais en parallèle sur le Net, à la recherche des maisons d’édition. Bien souvent, lorsqu’on lit, on s’imprègne de l’histoire, des personnages. Parfois, on retient le titre de l’œuvre et de son auteur, parce que celui-là nous a vraiment plu, il nous a touchés en plein cœur. Mais on note rarement l’éditeur. Je me suis rendu compte que j’en connaissais peu alors qu’il y en avait un nombre impressionnant.

Je m’ouvrais pour la première fois à ce monde dont je comprendrai plus tard toute la complexité. C’était en 2016, et le Net offrait déjà une multitude d’informations sur le sujet : forum, blog, articles sur les sites des maisons d’édition. Je sélectionnai les plus grandes, une douzaine. Tant qu’à se faire éditer, autant le faire haut. Je savais n’avoir aucune chance. Le but était de parvenir au bout de l’ouvrage, pas de me voir publiée.

Bien plus tard, en 2020, une nouvelle tempête, très courte, mais d’une violence extrême, me vit flancher dangereusement. Ce fut un coup de grâce dont je devais me relever absolument. J’écrivis un troisième et un quatrième manuscrit, comme une évidence. Quand les choses vont très mal, une seule histoire ne suffit pas, il en faut au moins deux, sans doute trois. Je ressentais un besoin puissant : le monde entier devait savoir ce qui m’avait mise en déroute. Je devais le crier haut et fort. Le top départ de ma course à l’édition avait retenti. Je n’imaginais pas à quel point elle serait longue et complexe. Alors courage !

Quand se donner du temps devient un moyen indispensable

J’avais fixé un objectif pour écrire un roman complet, mais cela ne suffisait pas. Entre boulot captivant et vie de famille à laquelle je tiens plus que tout, il est parfois difficile de s’organiser. Pour écrire, il est primordial de se donner du temps, un concept à la va-vite ne tiendra jamais la route, même pour les plus doués. Il m’était impossible de sacrifier quoi que ce soit, je suis plutôt du genre à m’encombrer de tout plutôt que de trop peu. Je devais m’organiser. Il était important pour moi de mettre en place des créneaux d’écriture infaillibles.

C’était la chose la moins évidente dans mon emploi du temps déjà surchargé. J’ai analysé méthodiquement les structures de mes journées et les seuls temps morts étaient les trajets pour me rendre au bureau, entre 2 heures et 2 heures 30 par jour, cinq jours par semaine, ce n’était pas si mal. Oui, mais écrire en conduisant, ce n’est pas très réaliste. J’utilisais ces moments en réflexions, en constructions mentales du scénario, des personnages et puis je m’enregistrais pour ne rien oublier. La pensée est parfois tant volatile qu’il est nécessaire de la figer d’une façon ou de l’autre. J’étais en communication permanente avec mon texte en devenir grâce au kit mains libres. Écrire à l’oral, ce n’était pas mal du tout, comme une dictée pour plus tard. Deux de mes manuscrits ont vu le jour de cette façon, ceux qui m’ont sauvée de la chute fatale. 

Un réveil matin sur un fond en bois

Plus tard, je remplacerai la voiture par le bus, me procurant un nouveau confort et une plage étendue dédiée à mes envies d’écrire. Je ne vis jamais sans ma bulle dans laquelle je me réfugie au moindre besoin. Je m’y installe studieusement au moment d’écrire, je m’y oublie, le monde n’existe plus. Il m’est d’ailleurs arrivé plusieurs fois de louper mon arrêt. Je remercie aussi certains des habitués qui me rappellent de temps à autre à l’ordre.

Pouvoir combler les temps morts à faire ce qu’on aime, c’est vraiment le top.

Lorsque dénicher un allié de taille vous donne des ailes

L’écriture est une activité solitaire. C’est sans doute une des raisons pour laquelle je m’y plais. Je préfère éviter les masses bruyantes. Mais lorsqu’on veut se faire éditer, on a besoin d’un retour afin d’évaluer si notre récit sonne juste, un miroir pour en jauger le reflet. L’avis des autres devient précieux, mais ce qui est précieux est rare, vous le savez.

J’avais décidé que l’écriture n’empièterait jamais sur l’essentiel de ma vie, qu’elle soit au boulot ou en famille ; en temps, mais aussi en argent. Je m’étais défendue d’y investir un seul penny. Quand on veut, on peut. J’étais parvenue à aménager le temps nécessaire, je devais trouver un moyen de me faire relire sans rien débourser. De toute évidence, je sollicitai ma famille et mes amis. Si la famille s’est montrée ouverte, les amis sont restés frileux. J’imagine qu’il est difficile de lire ceux que l’on connait, en toute objectivité. J’ai coupé rapidement l’élan de ceux qui réécrivaient mon texte à leur façon, ce n’était vraiment pas mon souhait, et n’ai jamais questionné ceux qui ont préféré se taire. Je déteste être intrusive. Seule Effy me fut d’une grande aide. Nous avons échangé sur les sujets de façon mesurée et sensible, dans un profond respect commun. Je ne la remercierai jamais assez, mais cela ne me suffisait pas.

En 2021, j’avais envoyé mes deux manuscrits salvateurs à Amélie Nothomb. C’est elle qui m’avait démontré que la lecture pouvait se montrer intéressante avec son « Acide Sulfurique » quelques années plus tôt. Avant elle, je considérais la lecture comme ennuyeuse et trop passive. En tant qu’hyperactive des méninges, je dois absolument jouer le rôle du moteur dans tout ce que je fais. Les moteurs ne lisent pas, ils écrivent.

Quelle ne fut pas ma surprise, l’écrivain me répondit et se confondit en éloges, commenta la profondeur et l’intensité de mes textes. Elle déposa mes œuvres sur le bureau de son éditeur avec conviction, mais sans succès. Peu importe, j’avais gagné l’essentiel, j’avais une relectrice de choix. Elle s’amusait il y a peu encore d’être ma lectrice privilégiée, et peut-être la seule. Après de nombreux refus, elle m’a supplié de ne jamais baisser les bras, les maisons d’édition étant nombreuses : « Je crois en vous ».

Elle fut la toute première à lire le manuscrit des « Enfants Inutiles » : « C’est votre meilleur texte, il est à la fois drôle et caustique, juste et sensible, il est excellent, bravo ! »

Dénicher l’éditeur idéal

Et là se trouve toute la nuance. Il ne s’agit pas de trouver un éditeur, mais bien son éditeur, celui qui est taillé pour vous. Quoiqu’il en soit, c’était mon désir, que certains ne partagent peut-être pas. Ce n’est plus un secret, le secteur est saturé d’auteurs, il n’y a plus de place vacante, se faire éditer est une chimère, sauf si on a la chance des gagnants à la loterie. L’autoédition ne m’intéressait guère, je n’avais pas de temps, ni d’argent à y consacrer, vous vous rappelez. Je l’ai pourtant tentée début 2023 dans une période bizarre et très creuse de ma carrière. On m’avait engagée pour ne rien faire. J’ai vite comblé ce vide en autoéditant « Le baiser », un texte adoré de ma chère Amélie. J’en ai vendu 3 exemplaires numériques, un à mon père, un à moi et un dernier à je ne sais qui. J’ai retiré cet ouvrage de la vente, car j’avais dégoté un nouveau boulot, un vrai cette fois. Cette expérience m’a convaincue que l’autoédition n’était pas pour moi, mais j’avais au moins essayé.

Si l’écriture est une activité solitaire, l’édition est un travail d’équipe avec de nombreuses casquettes. Je n’envisageais pas de porter autant de couvre-chefs. J’aime le travail collaboratif, comme mon métier d’architecte peut l’être. Je considère comme grisant le fait de ramer tous dans une direction lorsqu’on se retrouve dans la même barque.

Alors il faut tenir et croire en la vie. Il suffit de se laisser porter et elle vous mènera là où vous devez aller.

Avec mes idées démesurées, je voulais absolument me faire éditer chez Albin Michel, mon rêve. Je n’avais pas essayé d’en comprendre les raisons, elles n’étaient clairement pas fondées, je n’avais sans doute pas compris que mon probable était ailleurs. Alors, dans ces cas-là, il faut fermer les yeux et laisser faire.

Pour chacun de mes 5 manuscrits terminés, j’ai dressé un tableau Excel de mes envois. Cela m’a permis de comprendre certains mécanismes, certaines habitudes, les délais, les meilleures dates pour l’expédier… J’ai suivi scrupuleusement les indications de chaque maison d’édition, mode d’envoi, mise en page, synopsis, résumé, biographie, lettre d’accompagnement… Chacun de mes plis était différent, personnalisé. J’en ai adressé certains directement à l’éditeur même, plutôt qu’au comité de lecture, lorsque le nom était connu. J’ai expédié chacun de ces manuscrits à plus de 50 maisons d’édition différentes, les plus grandes, les plus originales, celles dont j’aimais lire les ouvrages, mais aussi des plus petites, sans oublier les locales, mes voisines.

Et puis c’est la déroute, on ne sait plus où aller, quelle direction prendre. On a arrêté de se prendre la tête, envoyer un manuscrit devient une tâche machinale à laquelle on ne prête plus guère d’attention ni d’émotion. On envoie puis on oublie. Peut-être qu’un jour la surprise viendra alors qu’on ne l’attend plus. 

Et puis oui ! elle vient, au hasard d’un scroll compulsif sur mon mur Facebook, un post sponsorisé. Je hais les posts sponsorisés. En général, ils vantent des produits avec une mauvaise foi énormissime. Une nouvelle maison d’édition. Il y en a la pelle en ce moment. Merci à l’algorithme de les afficher toutes sur mon profil, j’en ai marre, je l’avoue.

Et puis celle-là m’accroche. Il ne s’agit pas d’un appel à manuscrit assorti de mille promesses sur la lune. Une autre Voix : « On nie les différences pour se convaincre qu’il n’y a pas de différence. Au lieu de grandir de la pluralité ». L’appel retentit, je me sens happée. Je clique sur le lien, visite le site internet de fond en comble, je relis même certains passages. Tout devient écho, je me sens là comme chez moi. C’est une évidence, « Les Enfants Inutiles » collent parfaitement à la ligne éditoriale, ce texte est écrit pour Une autre Voix, je dois le dire à l’éditrice. Je prépare mon courriel, simple, court et direct, l’accompagne du manuscrit en PDF et le confie à Valérie Gans. Je crois que l’appel est réciproque, car elle ne tarde pas à me communiquer un premier intérêt avant de signer notre contrat quelques semaines plus tard. À ce jour, je suis la plus heureuse qui soit.

Ne jamais baisser les bras, croire en soi, croire en la vie, et se laisser porter.

L'auteur Malédicte (à gauche) avec l'éditrice Valérie Gans (à droite)

Image de Malédicte

Malédicte

Quand on croit en l’amour, plus fort que tout, comme le seul principe vrai, authentique pour réunir les hommes ; quand on est architecte, qu’on dompte avec les arts le gout du beau et les techniques, le sens de la précision et de la perfection ; quand la société vous bascule du bien au mal, du bonheur aux coups bas et ne vous fait aucune fleur ; quand on vit d’écriture comme un seul moyen de poser ses émotions et de laisser vibrer leur sensibilité, leur fragilité ; on déboule un jour ou l’autre, le cœur chargé de mots, de phrases, d’histoires à partager dans une maison d’édition.
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